ÉTRON CUBIQUE

– Bonjour monsieur 33

– Bonjour François

– Non, moi c’est Francis !

– Ah bon ? J’ai cru entendre François la dernière fois

– Fallait écouter !

Encore eut-il fallu que vous écoutassiez aurait dit le père Lachiasse.

– Le père Lachiasse ?

– Oui, un de mes profs de français obsédé par les subjonctifs et les concordances des temps.

– Pourquoi Lachiasse ?

– Parce que mon voisin de table, victime récurrente de sa lubie, m’avait un jour glissé à l’oreille : J’appréciasserais qu’il me lachiasse !

– Et ça lui est resté ?

– Bingo !

– Et vous avec Lachiasse vous vous en sortassiez comment ?

– Je me dois de vous avouer, même si, ipso facto, je risque de devenir quelque peu antipathique, que j’ai eu tendance dans ma jeunesse à être un premier de la classe. Pour engraisser ce défaut, qui ne m’empêchait pourtant pas d’avoir des copains, j’avais un principe qui tenait dans une expression personnelle forgée de toute pièce pour la circonstance : l’Étron Cubique.

– L’Étron Cubique ?

– Comprenez bien : j’ai très tôt perçu que faire preuve d’intelligence revenait à entraîner un prof en terra incognita. Or l’enseignant est par essence aussi timoré que prévisible, ce qui explique son caractère grégaire car sécurisant : les profs épousent le plus souvent des profs, fréquentent des profs qui pensent prof et s’habillent prof, autrement dit comme eux, avec juste cette pointe de subversion équivalent à une dose de safran dans une paella pour quinze.

Et cette homéopathie leur laisse benoîtement accroire qu’ils pourraient supposer entrevoir la pointe du germe chétif d’une hypothétique pensée originale.

Bref, pour faire court, si vous voulez séduire un prof, n’allez surtout pas exhiber quelque répugnante trace de génie, mais couchez-lui plutôt sur papier Seyes une chiure de la couleur, de la consistance, de la forme, de la dimension et au besoin même, de l’odeur qui va le ravir, reconnaissant dans cet étron l’écho gratifiant des balivernes qu’il vous a précédemment assénées.

Voilà ce que, dès mes classes de collège, j’ai opportunément appliqué et, sans en avoir déposé la marque, j’ai intitulé l’Étron Cubique.

– Putain, une merde en cube ça doit douiller !

– Certes je conçois vos craintes eschatologiques, alors souvenez-vous de ce proverbe africain :

Celui qui avale une noix de coco

doit faire confiance à son anus.

.

VERITAS ODIUM PARIT OBSEQUIUM AMICOS

La franchise crée des ennemis, la flatterie des amis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *