EX MACHINA

Qu’on se le dise, les plus belles histoires d’amour ont une fin.

Lieu commun me direz-vous.

Je sais.

J’y étais préparé dès ma plus tendre enfance lorsque le pickup de ma mère grésillait :

L’amour, c’est comme un jour,

Ça s’en va ça s’en va l’amour,

C’est comme un jour

avec la voix de Charles Aznavour.

Et pourtant je l’aimais.

Qui ?

Ma machine à laver pardi, cette lâcheuse.

Oui, car c’est elle qui m’a lâché quand je lui restais loyal.

Et croyez-moi, j’ai eu du mérite…

Car enfin, reconnaissons-le, elle était tout de même des plus fantasques.

Il me revient de ces moments d’intimité dans la tiédeur de la salle de bain, moi acceptant stoïquement l’inconfort d’un coffre à linge pour pouvoir lui faire face alors qu’elle vaquait à sa corvée.

Et je l’admirais, comme fasciné, tandis qu’elle partait dans un sens, réalisait 3-4 tours puis repartait dans l‘autre sens

Je pensais naïvement qu’elle s’était décidée sur la direction à suivre mais non, aussitôt elle rebroussait chemin.

Quelques tours encore et la voilà qui changeait encore d’avis.

C’était à se demander où elle voulait en venir.

Et puis voilà qu’elle stoppait net, comme prise d’une inspiration soudaine. Plus rien ne tournait, plus rien ne clignotait, aucun bruit.

Et moi comme un nigaud sur mon coffre, face au tambour immobile, pantelant d’inquiétude.

Insouciante quant à mon angoisse, tout soudain elle redémarre et reprend son cycle capricieux jusqu’à ce qu’un bruit de vidange aussi sonore que peu ragoutant survienne, suivi de près par la cataracte d’un nouveau remplissage.

Las, c’en est trop de ses insolentes minauderies.

Je pivote sur moi-même et lui tourne ostensiblement le dos feignant de m’absorber dans la contemplation du bac à douche.

Mais j’entends clairement qu’elle poursuit son manège, redoublant d’inconstance frivole comme pour narguer ma réprobation virile.

Alors je quitte les lieux sans me retourner et la laisse seule à ses extravagances.

Banalité de la vie de couple au final.

Mais je dois reconnaître que, passées ses divagations, elle avait ses bons côtés et avait accueilli mes chaussettes malodorantes, voire trouées, et brassé mes caleçons comme mes boxers.

Et je lui aurais même sans pudeur confier mes strings si j’en avais possédés.

Et voilà qu’aujourd’hui, elle m’était enlevée sans plus de cérémonie, chahutée par deux godelureaux baraqués.

Infidèle, j’ai dû me résoudre à délocaliser mes lessives.

Mais soyons franc, ça a du bon les laveries automatiques : on y cause comme au lavoir.

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PER TE NON TECUM

Par toi, mais pas avec toi

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