FAITIERES

J’ai eu plaisir à retrouver ce petit texte perdu dans des paperasses mises à jour lors de mon dernier déménagement. D’une part parce qu’il est plutôt cocasse, mais surtout, parce que je l’ai écrit à 26 ans, il y aura bientôt cinquante ans.

Je vous offre cette graine d’écrivain :

Lorsque la première faîtière s’est brisée, j’aurais dû penser qu’un malheur allait arriver. J’ai seulement regardé, amusé, la moitié visible glissée en bas du toit, face à moi.

Le ricochet qu’elle fit dans la gouttière et l’observation de sa chute finale sur le gazon m’empêcha de remarquer la fissure qui gagnait la suivante.

Un claquement sec me fit lever les yeux et alors qu’une deuxième glissade s’effectuait, je remarquai que la troisième faîtière était atteinte.

La quatrième et la cinquième cédèrent ensemble et le mouvement alla en s’accélérant.

Les faîtières se scindèrent les unes après les autres à une allure grandissante et le faîte du toit s’ouvrit comme une fermeture à glissière.

Je dus reculer pour éviter les éclats, mais la pénultième était encore à peine fêlée qu’un grondement sinistre m’ébranla dans ma contemplation et je vis avec effroi les deux pans de la toiture se séparer et glisser le long des chevrons, mettant à nue la charpente tel un thorax décharné où s’accrocheraient çà et là les lambeaux d’une plèvre de laine de verre.

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