Le premier !
En cette aube de soldes j’étais le premier !
Le premier devant le magasin
Bien avant son ouverture.
Pour assurer ma victoire, j’avais, devant l’entrée, scellé mes startingblocks d’un grand coup de piolet dans le dallage.
Progressivement, quelques concurrents étaient arrivés, mais je m’appliquai à affermir ma prérogative.
J’ai adopté la position d’un départ de 200 mètres haies sitôt qu’a commencé à se lever le rideau.
Avant même qu’il ne fût à 50 cm du sol, je me suis rué par l’entrebâillement, y laissant certes le dos de mon blouson, une bonne partie de mon T-shirt et les apophyses postérieures de trois vertèbres, mais j’étais dans la place avant tous les minables qui vainement me talonnaient.
Alors, à travers les rayons débondant, je me suis rué dans le souk dépeuplé, le quadrillant méthodiquement par chaque allée, n’omettant aucune gondole, ne négligeant aucune promotion capitale.
Et après un parcours sans faute, loin devant la horde vorace dont l’avidité consumériste me rongeait le train, je me suis précipité sur la première caisse ouverte que j’ai franchie le torse bombé tel un champion olympique.
Comme je parvenais dans la galerie, faute de podium, j’ai pu me réjouir de mon reflet dans la vitrine d’une boutique éteinte, les bras levés, les mains empoignées, anonyme héros du jour, m’effaçant, modeste, sans un hourra, vers la sortie du centre commercial.
Certes, je n’avais rien acheté, mais l’abnégation de ma gloire me parut délectable au regard de quelque misérable rabais sur des articles dont, au demeurant, je n’avais nul usage…
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ARDA PARA SUBIRE
Brûle de t’élever