Il y a quand même un point positif dans cette vie de douleur : mine de rien, on va vers les beaux jours.
Le printemps explose, ma terrasse est en rut, et dardent les pousses des amours en cage.
Amour en cage, voilà qui ferait un joli nom pour le nouveau pape.
A moins que ce ne soit déjà déposé par une marque de préservatifs !
Mais baste, vous n’êtes pas sans savoir, botaniste émérite, que cette plante produit, au cœur de sa rouge fleur en lanterne, un fruit succulent, gros comme une mirabelle orangée, qui, gracieusement posé sur une glace ou une part de gâteau, est du plus chic effet.
Alors abandonnez les noms vernaculaires d’amour en cage, de lanterne japonaise, d’alkékenge, de cerise de terre, de groseille du Cap ou de coqueret. En effet, le savant, dans un accès de poésie de taxinomique, a doté cette fleur d’un nom qui possède la grâce d’être aussi suave en bouche que son fruit lui même : le physalis.
Donc, le printemps explose, heureuse saison des titillements, des débordements, et des blagues graveleuses où l’on envoie le bleu chez le colonel réclamer la clé du champ de manœuvres, ou les arpettes à la pharmacie demander du sirop de corps d’homme.
Eh bien si ce genre de facétie vous réjouit, imaginez un restaurant très chic, voire le plus chic de la région, le Prieuré de Saint-Gazille pour ne pas le nommer ; décoration néogothique et terrasse sur le fleuve ligérien ; là, deux couples d’amis s’empiffrant quelques blandices, histoire d’oublier pour un instant la misère du monde, et au dessert, un je-ne-sais-quoi des plus savoureux sur lequel était délicatement posé, précisément, un physalis.
Et soudain, effet secondaire du Pécharmant sans doute, le trou ! Le fruit entre les dents et le mot sur le bout de la langue, impossible de retrouver sous quel signifiant se rangeait cet amour fraîchement sorti de sa cage !
Garçon s’il vous plait, bla bla, petit fruit, bla bla, trou de mémoire, bla bla, nom ? Merci.
Je nouveau, je stagiaire, je pas savoir, je demandé au chef.
Et voilà notre béjaune parti se renseigner en cuisine.
Ah les salauds, ils l’attendaient !
Peut-être même guettèrent-ils son retour en salle par quelque passe-plat, mais ils en furent pour leur frais.
Car, dans une intuition commune du coup fourré sans doute, différant notre éclat de rire, aucun de nous ne broncha lorsqu’il nous informa haut et fier :
Ce sont des syphilis !
Ah les salauds !
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DOCTUS CUM LIBRO
Savant avec le livre