NOCES

Comme disait Baudelaire :

Ne pouvant pas supprimer l’amour,

l’Église a voulu au moins le désinfecter.

Elle a fait le mariage.

 Autrement dit : passer de l’hypothalamus, ce dessous du dôme (thalamus) centre des régulations endocriniennes et par là sexuelles, à l’épithalame, ce chant au-dessus du dôme de la chambre nuptiale.

 Et voilà comment s’instaure cette manie du mariage !

 – Vous allez vous marier ? Super !

– Vous allez faire des gosses ? Génial !

– Et une maison pour les ranger, avec un crédit sur 25 ans assortie d’une razzia chez Ikea et d’un poster de galets empilés histoire de faire zen !

– Je sens que la vie va être une vallée de lait et de miel !

– Jusqu’à ce que la machine à laver tombe en panne…

Tel que vous me voyez, je reviens du quatrième mariage d’un copain, une vrai vocation ! Notez qu’à chaque fois il prend un modèle plus récent. Je ne sais pas s’il assure, mais la précédente a pris un chauffeur, et, par pudeur, épargnez-moi l’ambiguïté de ce terme.

Vrai qu’aujourd’hui le mariage se trouve comme frappé d’obsolescence programmée :

Deux copains se croisent :

– Devine un peu, je vais me marier !

– Oh putain ! Tu sais que tu en prends au moins pour cinq ans…

Vrai aussi que l’Éternel Dieu a dit :

Il n’est pas bon que l’homme soit seul.

Je lui ferai une aide semblable à lui. (Gn 02,18)

Il n’est pas bon que l’homme relise la Bible, ça lui donne des idées troubles.

Pourquoi serait-il mauvais pour l’homme d’être seul, pourquoi serait-il bon pour lui d’être accompagné ?

Woody Allen n’affirme-t-il pas :

Ne dites pas de mal de la masturbation. Après tout, c’est une façon de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime.

Il n’empêche que j’en fus troublé et me décidai à me mettre en quête de l’âme sœur.

Un ami ne me l’avait dit : Il te faudrait rencontrer quelqu’un comme toi, du même niveau socioculturel, de ton âge, avec qui tu pourrais partager les mêmes centres d’intérêt…

Bref lui répondis-je : Quelqu’un à mon image et à ma ressemblance avec qui je m’ennuierais à mourir.

Mais n’écoutant pas cette petite voix qui m’implorait d’être prudent, je me mis en quête d’un site de rencontre afin de prendre connaissance des modalités proposées.

Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant la précision des items à sélectionner pour rencontrer la personne idoine !

Un exemple au hasard : Sélectionner une petite manie :

Je ne sais pas garder mon sang-froid en voiture.

Je pique dans les assiettes des autres.

Je ne finis pas mes phrases.

Je ne rebouche pas le tube de dentifrice.

Je n’ai aucun sens de l’orientation.

Je dis tout ce qui me passe par la tête.

Je danse comme un pied.

Je prends ma douche pour une salle de concert.

Je ris à mes propres blague.

.

Malheur de moi, je les toutes ces soi-disant petites manies !

J’ai pressenti que ça n’allait pas le faire.

D’autant plus, tout de même, que j’avais précédemment connu, eh oui, la cuisante expérience du mariage !

Me revient en nostalgie cette époque des amours débutantes avec celle qui allait devenir ma femme, puis la mère de mes enfants, puis mon ex-femme (ce qui lui évita le rôle de veuve). Toute une carrière qui se tramait à notre insu. Un sans-faute en quelque sorte.

Paradoxalement, le moment de ma vie au cours duquel j’ai été le plus fidèle s’est situé entre le moment où j’ai commencé à vivre avec elle et celui où je l’ai épousée. Tout simplement parce qu’alors j’avais le choix de rester ou de partir. Il n’en fut plus de même ensuite : prisonnier des liens du mariage, des maisons et des enfants, chaque bouffée d’oxygène devenait illégitime.

Mais revenons à mes noces, ou plutôt à nos noces puisque ma femme et moi nous sommes mariés à la même époque.

Il faut que vous imaginiez, face à moi, derrière le maire, un immense miroir seulement barré par la photographie officielle du Président de la République.

Et dans cet écran panoramique, moi, déguisé en pingouin, ma future, accoutrée comme il se doit pour passer en quelques tours de passe-passe du statut de promise à celui de légitime. Et en arrière-plan, la famille, les copains, les badauds.

Et moi, comme hypnotisé par cette scène surréaliste !

Et moi de me répéter en boucle : Mais qu’est-ce que je fous là, mais qu’est-ce que je fous là !

Et moi de ne pas percevoir le maire me demander si je voulais prendre pour épouse etc…etc.

Et celle qui voulait être prise pour épouse de me donner un coup de coude.

Et moi de lâcher un : Euh… oui.

Et la noce d’éclater de rire.

Et voilà ! Comme disait Feydeau :

Vous êtes marié ?

Un peu… Vous savez ce que c’est ! Un beau jour, on se rencontre chez le maire, il vous pose des questions. On répond « oui » parce qu’il y a du monde

Et voilà :

Je vous déclare unis par le mariage pour le pire et pour le pire !

Que voulez-vous, je n’avais pas relu saint Paul :

Tu es marié ? Ne cherche pas à te séparer de ta femme.

Tu n’as pas de femme ? Ne cherche pas à te marier.

Si cependant tu te maries, ce n’est pas un péché.

Mais ceux qui ont fait ce choix y trouveront les épreuves correspondantes, et c’est cela que moi je voudrais vous éviter. (1Co 07,28)

Ce qu’il aurait fallu, lors de mon mariage, c’est que les copines de ma femme ne connaissant pas mes copains, et n’ayant donc pu les consulter, lui offre un voyage à Bali quand mes potes m’envoyaient aux Bahamas.

Oh ! Faire son voyage de noces tout seul ! Comme disait Jules Renard.

Bref, ça a duré ce que ça a duré, mais un jour j’ai quitté le navire et ma femme m’a demandé en divorce, et ce ne fut pas un divorce blanc. Car chacun sait, ou devrait savoir, que le mariage est comme les sectes : facile d’y entrer, difficile d’en sortir !

Bref, bref, bref, j’ai tout de même fini par ressusciter.

– Vous avez une petite mine, comme si vous aviez fait la fête.

– Pour ça on peut dire qu’hier j’ai pris mon lit en marche.

– Dégustation ? Grosse nouba ? Enterrement de vie de garçon ?

– Pire

– Pire ?

– Déterrement de vie de garçon !

– Bigre…

Reste à savoir pourquoi mes amis s’évertuent à vouloir me trouver quelqu’un.

Peut-être pour se consoler (ou se venger) de leurs propres chaines.

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ERRARE HUMANUM EST PERSEVERARE DIABOLICUM

Il est humain de se tromper, mais diabolique de persévérer

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