Ce jeudi matin, 8 heures, je suis allé à la messe.
Non que ce soit chez moi une habitude, mais, à contrario des célébrations dominicales sonores (je parle des bêlements du chœur) et parlantes (je parle des enfants à qui l’on inflige ce pensum pour les mieux éloigner de la foi), cette Missa Brevis matinale se substitue avantageusement à un temps de méditation assise, et me permet d’attaquer ma journée avec une sérénité non feinte.
À la suite de quoi je me fais un devoir de laisser courtoisement passer au minimum trois piétons sur les passages dits cloutés afin de recueillir autant de sourires et de signes amicaux de la main qui me mettent le cœur en joie pour le reste du jour.
Je me dois tout de même de vous préciser que ce temps d’oraison matinale n’ébrèche qu’à peine mon emploi du temps car il s’agit, pour sûr, d’une messe à tout le moins expresse, pour ne pas dire une messe Accroche – Toi Seigneur.
Dans une ponctualité digne de la SNCF avant l’invention du TGV, le curé se lève dès que retenti le huitième coup de cloche, donne la communion quand sonne le quart, ce qui nous permet d’être sortis à peine passé dix-huit.
Rien ne saurait gripper cette mécanique.
Et lorsqu’il advint que la porte de l’église n’ayant pas été ouverte, un paroissien passa par la sacristie pour venir nous délivrer, quelle ne fut pas notre surprise de constater que le père avait attaqué sans nous ! Et de surcroît, nous nous fîmes houspiller sous le prétexte qu’on ne doit pas perturber une célébration qui a déjà commencé.
Taquin que je suis, je me régale de le voir piaffé lorsqu’une bigote annone la première lecture. Et j’admire son aisance à recaler le timing en sprintant l’Évangile au rythme d’un commentateur hippique.
Mais c’est pour la communion que sa maestria le dispute au taylorisme : précision de la prise, frugalité du geste, cible en aveugle, mécanique de la distribution lubrifiée au Saint Chrême.
Les yeux rivés sur son stock tel un ado sur son smartphone, il martèle un Le Corps du Christ à l‘intention des dalles de la nef, comme naguère une dame pipi aurait maugréé un cabine 3 en vous tendant un jeton de téléphone sans lever les yeux de son France-Dimanche.
Si bien qu’un jour, il ne repéra pas que j’étais le dernier, et, le nez plongé dans son ciboire, il en soutira l’hostie de trop qu’il tendit dans le vide.
Néanmoins, une autre fois, après qu’il s’était allègrement toussé dans les mains durant toute la célébration (et se les étaient soigneusement massées l’une contre l’autre pour les bien enduire de ses miasmes), j’ai carrément préféré ne pas aller communier. D’autant que son lavabo se résume à une furtive apposition de l’extrémité de l’index sur l’embouchure de sa burette. Pas de quoi en détremper le manuterge.
Avec encore un peu d’entraînement, je pense qu’au jour de son départ en retraite, il sera en mesure de boucler l’affaire en moins de douze minutes vingt-deux, rognant quelques secondes par-ci, quelques centièmes par-là, donnant sa bénédiction de trois quart tout en faisant sa vaisselle et marmonnant un bonne journée à tous sans regarder quiconque tout en ramassant lectionnaire calice patène panne et linge humide, avant de filer à la sacristie dans un froufrou d’aube astucieusement raccourcie pour qu’un malencontreux frottement sur le sol ne vienne freiner sa course.
Son église se vide-t-elle pour autant ?
La paroisse est-elle en péril ?
Que nenni, car c’est au final un saint homme, et de surcroît un excellent pasteur.
À chacun son charisme.
Et que personne ne s’y trompe.
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AD MAJOREM DEI GLORIAM
À la plus grande gloire de Dieu