DES GUEPES

Je suis prêt à parier que, comme moi, par flemme d’aller chercher un plateau, vous avez déjà fait trois voyages de la table de la cuisine au lave-vaisselle, vous offrant au passage le luxe de casser deux verres dont il aura fallu glaner les débris dans les recoins les plus improbables.

Comme disait Maminouchka :

C’est fou ce que les paresseux se donnent comme mal.

Pour ma part, j’applique, pour le rangement, la vertigineuse technique dite de la toupie, à savoir que je procède par concaténation, sautillant d’un objet à l’autre comme sur un pas japonais, pour papillonner en boucle au gré de mon appartement.

Moteur !

Il faut pour cela m’imaginer classant scrupuleusement les couverts qui ont séché sur l’évier ; sur la paillasse, au-dessus du tiroir, un paquet de thé exilé que je reconduis en ses frontières ; j’aperçois alors deux tasses qui musardent, les dispose dans la vitrine où mon éphéméride a pris du retard.

Me voici l’effeuillant de trois blagues navrantes que je froisse dans la poubelle et surprends à côté d’icelle le blender qui chôme.

Direction le placard de l’entrée, enjambement de l’aspirateur que je m’en vais remiser dans la chambre, ramassage au passage d’un pantalon oisif que je dépêche dans la penderie.

Ciel ! Devant la penderie, une revue vagabonde que voilà illico alignée sur un coin de bibliothèque ; glanage de mon cartable qui s’y appuie mollement avant de rejoindre sur l’étagère ma boîte de couture qui me rappelle que j’ai perdu un bouton que j’ai posé sur mon bureau où se prélasse un verre que je reconduis en son évier dans lequel gît déjà…

Que je…

Et me saisis alors…

Pour ensuite…

Et tout cela sans réussir une seule fois à attraper la queue du Mickey !!!!

Travail de fourmi me direz-vous, voire d’abeille ou même de guêpe.

A ce propos, je me suis longtemps moqué des guêpes.

Les guêpes passent en effet, bien à tort vous allez le comprendre, pour des créatures remarquablement intelligentes.

Ainsi sont-elles capables de fabriquer des alvéoles astucieusement hexagonales pour un emboîtement non moins astucieux, alvéoles dans lesquelles pond non moins qu’une reine avant qu’une subalterne vienne y déposer une larve ou un insecte savamment empoisonné à juste dose pour ne pas mourir mais rester dans un état léthargique afin que, à l’éclosion de l’œuf, le nouveau-né puisse se nourrir de cette réserve et se développer jusqu’à percer l’opercule et sortir à l’air libre.

On pourrait s’étonner de tant de diligence sauf que…

Sauf que, muni d’une lame de rasoir ou autre cutter ou simple canif, il suffit de couper le fond de l’alvéole pour constater que les guêpes, si prétendument malignes, déposent dans la loge éventrée un œuf qui tombe, comme tombe le casse-croûte qui suit, avant que la besogneuse ne vienne soigneusement obturer de propolis le tube vide.

Je me moque, je me moque, mais je suis bien capable moi-même de gestes aussi peu réfléchis.

Ainsi, avant de monter sur mon vélo, je commence comme il se doit par ouvrir l’antivol, le dégager, puis le refermer, et enfin l’accrocher sur mon porte bagage à l’aide du clip prévu à cet effet.

Ce matin, avant d’enfourcher mon fier destrier, j’ai effectué cette manœuvre à ceci près que j’avais, la veille, oublié de mettre ledit antivol.

J’ai donc ouvert le clip, décroché l’antivol, l’ai ouvert et en ai embobiné la roue et le cadre avant d’en dégager les clés et de presser sur la pédale droite d’un vélo qui refusa de démarrer.

Guêpe stupide, je n’ai plus eu qu’à refaire la manœuvre inverse pour pouvoir rejoindre mon labeur.

Les hyménoptères ont du bien rigoler…

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PAR IN PAREM NON HABET JURIDICTIONEM

Nul ne saurait être jugé par son égal

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APHORISME

J’en passe et des pires !

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