Une bouteille de champagne pour deux, pas sérieux, mais Sylvain est comme ça : grandiose.
Mais pour la cuisine, c’est toujours dehors !
Temps glacial en sortant mais délicieusement sec comme le Champagne.
Et au beau milieu du trottoir, un SDF intrusif dans sa couverture de survie scintillante et dorée.
Au fait, comment dit-on scintiller en anglais ?
Ah oui, to glitter. Ça sonne bien, pour un peu on entendrait le luxe du scintillement, un peu terni par le côté fastfood des emballages du Samu social.
Heureux homme déjà endormi en enlaçant son Temesta 12°5.
Malgré le froid, je me suis bien appliqué à enjamber le gisant sans froisser la déco.
Vite, au chaud !
Et là, on s’est gâté…
Chacun son entrée, lui chips de betteraves rouges sur un tendre boulgour lacéré de coriandre fraîche quand j’optais pour le ris de veau caramélisé au Raz el Hanout sur fondue d’épinard et risotto moelleux comme du tapioca.
Puis copieux filet de bar grillé sur mesclun au vinaigre de cive et purée d’igname, versus pavé de spring bocks (alias gazelle) tellement fondant en bouche que j’en ai oublié la nature de la garniture.
Amusant vin d’Australie tenant du Margaux par son corps et du beaujolais par ses fruits rouges. Fort ! Ils sont forts ces Australiens. Sur qu’ils vont mettre nos pinardiers à la rue.
Pépiement anglais alentour. Jingle bell – jingle bell…
Virevoltes du serveur asiatique dans une simple mais somptueuse tunique de soie céladon, harmonie du maître d’hôtel aussi gay que le lieu l’exigeait, ballet chorégraphié par l’œil de la patronne, mix chico-vulgaire façon Madame, mais en plus tendance.
Il faut vraiment que j’arrête de me gaver comme ça si je ne veux pas ressembler à un pourceau !
Et Sylvain qui insiste pour le dessert…
Ok, mais c’est vraiment pour t’accompagner, hein !
Alors là, côté dessert, feu d’artifice pour un même fondant au potimarron d’où s’exhalait en mezzotinto un frisson de cardamone et un sourire de cannelle.
Réchauffé au sortir du restaurant par les mets et le vin, je n’étais pas arrivé au pont que me voilà déjà transi et, l’estomac chargé, je me sentis tout pataud pour enjamber encore le dormeur du caniveau.
Mais le déséquilibre causé par la précarité de l’enjambement de ce corps inerte fut comme un coup de tonnerre dans le ciel serein de mon arrogante gloutonnerie !
S’ensuivit alors, aussi impérative que circonstanciée, une prise de conscience frontale de ma situation, une irrévocable nécessité de m’engager corps et âme dans ce que ma jeunesse en son aveuglement m’avait fait honteusement négliger :
Demain je me mets au régime !
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NIL VOLENTIBUS ARDUUM
Pour ceux qui le veulent, rien n’est impossible