– Bonjour monsieur 33 !
– Bonjour Raoul. Quoi de neuf ?
– Je viens de racheter la voiture d’un pote. Une BM.
– Ça m’a tout l’air de vous rendre bien maussade.
– Jamais vu une voiture aussi con.
– Je n’aurais pas imaginé…
– Que d’la frime j’vous dis : un coffre à la con qu’on peut rien rentré dedans, idem pour les portières arrière qui s’ouvrent à 45°. Et même pas d’essuie-glace de vitre arrière. Paraît que l’aérodynamisme permet de chasser les gouttes. À 130 peut-être mais quand il a plu et que je dois démarrer en marche arrière… Juste bon pour promener Mamie, mais je n’ai plus de grand-mère.
– Allez ne chipotez pas et pensez à l’agrément qu’l y a de véhiculer vos luxueuses fesses sur un non moins luxueux cuir.
– En plus bovin tout de même
– Je ne me serais pas permis…
– Tout d’la frime. Tenez le volant, luxueux lui aussi, quatre branches et gainé de cuir. Avec deux petites barrettes pour le klaxon de chaque côté du macaron. Élégant pour faire pouet-pouet au connard qui démarre pas au feu, mais en cas d’embrouille dans une manœuvre, je vous défie de les trouver les deux petites barrettes qu’elles ont tourné avec le volant. Et la clim !
– Au moins avez-vous la climatisation.
– M’en parlez pas, un minuscule bouton avec au centre une LED verte qu’elle s’allume quand c’est en route.
– Nickel !
– Nickel mon cul ! Nickel la nuit l’hiver, mais en plein cagnard avec les lunettes de soleil sur les yeux, z’avez plus qu’à mettre vos deux pognes en entonnoir pour la voir la LED verte, et encore…
– En même temps, les BMW ont tout de même une sérieuse réputation côté puissance et robustesse…
– Pour sûr que je peux attraper les 100km/h en moins de cinq secondes, et tant pis si ma consommation dépasse les 30l au 100, pour ce qui est du réchauffement climatique, j’ai la clim…
– Et la tenue de route ?
– Pour ça, j’peux tranquille me taper un petit 230 sur l’autoroute en lâchant le volant sans qu’elle quitte sa trajectoire.
– Remarquez que les mains en l’air ça fait gagner du temps à la maréchaussée pour vous passer les menottes.
– Pas faux !
– Et votre épouse, qu’en pense-t-elle ?
– Tout ce qu’elle a trouvé pour me remonter le moral c’est d’me dire que c’était une voiture de dealer !
– Il est un fait que je viens d’en croiser une noire jusqu’aux jantes, surbaissée, vitres foncées conduite par deux types en casquette. Rien de tel que l’automobile pour montrer son rang social.
Pour ma part, je culmine au sommet du snobisme : je n’ai pas de voiture !
– Tiens en parlant de ma femme, je vais vous en raconter une bien bonne : c’est un type qu’explique à un pote : une secte ça à raison sur tout, ça te vampirise, ça te pique tout ton fric et ça te brouille avec ta famille et tes amis. Merde que répond l’autre, ma femme est une secte !
– Voilà une histoire à ne pas mettre entre toutes les oreilles !
– En tous les cas, elle parle aux copains.
– Vous m’étonnez !
– Vous voulez que je vous dise monsieur 33, une femme chiante, c’est un pléonasme.
– Vous ne seriez pas un peu misogyne à vos heures ?
– C’est pas de la misogynie, c’est un constat. Suffit d’aller sur le terrain.
– Au risque de se perdre…
– Pour sûr qu’on s’y perd !
– Excusez moi je pensais à un vieux film. Donc vous vous y perdez ?
– Et pas qu’un peu. Le mode d’emploi des femmes c’est un peu comme une carte routière mais sans les noms.
– Je vous aime bien poète Raoul ! Il n’existe donc pas de Dulcinée équipée d’un GPS de série ?
– Ah me parlez pas des GPS ! Cette voix de pétasse…
– Il en existe aujourd’hui avec des voix d’homme !
– Peut-être mais pas le mien. Le vouvoiement à part, j’ai l’impression de conduire avec la patronne à côté : tourne à droite, serre à gauche, au rond-point prends la 2e sortie, ce qui de vous à moi revient à aller tout droit ; elle pouvait pas l’dire direct plutôt que d’me faire compter les issues ?
– Mieux vaut retenir le côté pratique et le gain de temps.
– Oui mais là encore faut faire gaffe si le plus court c’est en temps ou en km, sinon je vous raconte pas les zigs et les zags en banlieue.
– Ça me rappelle mon premier GPS : il était bilingue anglais-allemand, mais mon vocabulaire dans la langue de Goethe se limitant à schnell et kartoffel, je risquais de tourner un bon moment dans l’Anneau du Nibelung.
En revanche, dans la version Perfide Albion it was nice to improve my english. Mais un jour que je m’engageais sur une rocade, l’À nous les petites anglaises me susurre : Turn sharp left ! Tournez aigu – à gauche ? Aigu – à gauche ?
Mais pour cela my sweet love il m’aurait fallu enjamber (si tant est je vous l’accorde qu’une voiture enjambe, mais je ne sache pas qu’elle empneumatise davantage) enjamber donc la barrière centrale dite de sécurité pour prendre la sortie opposée à mon entrée.
– Fais ci, fais ça, Fais pas ci fais pas ça à la Dutronc. Des terroristes à mamelles que j’vous dis.
– Réglez-le sur voix d’homme.
– J’ai pas que j’vous ai dit, et puis ça me rappellerait le régiment, à droite-droite, à gauche-gauche, gaaarde à vous et j’en passe.
Tiens à ce propos de discipline, l’autre jour que j’étais au téléphone avec ma rombière, je sais c’est interdit mais…
– Façon de prendre pour rébellion ce qui n’est que vulgaire inconscience !
– Voilà la voix synthétique de la donzelle qui m’annonce continuez tout droit et dans 5 km tournez à gauche.
T’es avec qui ? qu’hurle ma moitié.
Avec personne que j’y dis, c’est mon GPS.
Tu me prends pour une conne !
Je vous fais grâce de la suite…
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HABET ULLUM, EAM CONSILIO REGERE NON POTES
Tu ne peux pas gouverner par raison
une chose qui n’a en soi ni raison ni mesure