DU SAVOIR A LA CONNAISSANCE

Prologue de l’Évangile selon saint Jean :

1/ Au commencement était le Verbe,

et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu

(…)

4/ En lui était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes,

5/ Et la lumière brille dans les ténèbres,

et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Autrement dit :

Au commencement était le Verbe, à savoir qu’à la base de toute chose est la Parole, la parole créatrice. (Gn 1,3 : Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut.)

Ensuite il est écrit :

En lui (le Verbe) était la Vie, (ou plus précisément ζωὴ, zoé, en quelque sorte le sens de la vie).

Et la Vie (ce sens de la vie) était la lumière des hommes,

Et la lumière brille dans les ténèbres ; et les ténèbres n’en ont pas voulu.

Mais tout d’abord, je vais être obligé de faire un bref détour par l’étymologie, d’une part parce que c’est une passion chez moi, mais surtout parce qu’en, pour ce qui nous intéresse, c’est particulièrement instructif.

Le mot grec à la base de cette réflexion est gnwsiV (gnôsis), la gnose, le savoir.

Vous retrouverez à l’occasion le terme Gnose en tant qu’un savoir réservé aux initiés, mais ce n’est pas le sujet.

Ici, ce terme gnose, en tant que savoir, a donné en français trois mots essentiels pour comprendre cette réflexion :

L’ignorance, avec un in privatif dont le n a été élidé, qui est simplement le manque de savoir,

La notion, après que le g soit tombé et le que le s soit transformé en ti ; la notion qui correspond au savoir. Ce qui a également donné to know en anglais ou kennen en allemand après, dans les deux cas, la disparition du g.

Et enfin la connaissance, la co-gnose qui correspond à un savoir que l’on a intégré.

Nous voilà donc en face de trois situations :

L’Ignorance – la Notion – et la Connaissance

Le savoir manquant – le savoir acquis – et le savoir intégré.

Mais, une petite histoire façon parabole sera la bienvenue pour saisir ces trois étapes :

J’ai un jour surpris mon fils aîné occupé à enfoncer à grand coups de marteau un clou dans une planchette. Jusque-là, rien à redire. À cela près que, comme établi, il se servait de la table en verre du salon !

Je lui ai demandé ce qu’il se passerait s’il donnait des coups de marteau sur cette table en verre, et il m’a répondu, en bon sachant, que ça la casserait…

Triste bêtise en ce que le savoir qu’il avait acquis quant à la fragilité du verre n’avait apparemment pas été intégré. Autrement dit qu’il n’était pas passé du stade de la gnose à celui de la co-gnose.

Aujourd’hui, adulte, cette notion est fort-heureusement devenu une connaissance et mon gamin ne donne plus de coups de marteau sur une table en verre.

Dans le même temps, il semble savoir que sa copine est une chieuse, mais, pour le reste, c’est son affaire…

C’est exactement ce que dit l’adage de Rabelais :

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.

Un savoir non intégré, que l’on ne s’est pas approprié, est une forme d’échec.

Dans le bouddhisme, ce savoir non approprié pourrait se rapprocher de l’idée de vérité relative ou encore de dualité.

Dennis GIRA dans Le bouddhisme expliqué à mes filles, raconte, en mieux, cette histoire :

Le maître interroge un jour un jeune novice impatient en lui demandant ce qu’il voit par la fenêtre. Le novice répond : une montagne. Ce qui met le maître en colère.

La seconde fois après avoir bien étudié il répond : Je vois la vacuité, l’essence de la bouddhéité, la non-dualité et blablabla, et blablabla. Ce qui met à nouveau le maître en colère.

Des années passent et lors de la troisième rencontre, le novice répond : une montagne. Ce qui satisfait le maître.

Lors de la première rencontre, ce dont le novice témoigne est de l’ordre de la pure sensation ; il est de ce fait ignorant de tout concernant cette montagne et il est chassé.

La deuxième fois, le novice étale une savanterie qu’il ne s’est pas approprié. En bon sachant, il persiste en cela dans la dualité. En effet, le savant, dépositaire d’un savoir qui lui reste étranger est très souvent un bavard, distribuant comme un camelot sa marchandise et se croyant trop souvent supérieur aux autres.

Lors de la troisième rencontre, le novice, pénétré de la connaissance des choses, peut se taire et répondre simplement c’est une montagne, ce qui, alors, satisfera le maître.

Il lui aura fallu des années pour cela car, contrairement aux notions, la connaissance ne s’enseigne pas. Cette appropriation, cet accès à la non-dualité dans le bouddhisme, la réception de la Lumière pour un chrétien, est une expérience personnelle, un cheminement dans lequel on ne peut qu’être accompagné pour peu que l’on trouve un guide et que l’on accepte de le suivre.

Ce qui pourrait se reformuler de la façon suivante :

La lumière a brillé dans les ténèbres de l’ignorance comme dans celles du savoir des hommes, mais les hommes n’ont pas voulu la recevoir, préférant rester dans les ténèbres plutôt que d’accéder à la connaissance.

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STUDE NON UT SCIAS SED UT MELIUS

N’apprends pas pour savoir davantage mais pour t’améliorer

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