HARLEY-DAVIDSON

Je suis régulièrement étonné de croiser à l’étranger des français qui, usant pour y travailler de ce que l’on appelle un anglais international ou International English, voire Basic English ou carrément Globish, trouvent du plus grand chic de le mâtiner d’un accent épouvantable pour en faire un Broken English au point que la reconnaissance vocale de leur téléphone leur refuse toute retranscription.

Oui, je me targue sans humilité d’avoir en anglais un accent plutôt chic (sans surtout, surtout être snob) que j’entretiens comme une topiaire, imprégné de ce que la différence entre un anglais et un Américain se perçoit au grailleux de l’élocution.

Au demeurant, cette phonétique américaine pour le moins vulgaire se ressent jusqu’au cœur des objets dérivés : ainsi n’entend-on pas démarrer une Bentley quand une Ford Mustang éructe un ronflement de tracteur et qu’une Harley émet des pets de tondeuse à gazon mal lunée.

A ce propos, il y avait ce matin, garée devant la boucherie, une de ces Harley, un modèle à selle unique, très basse, très noire, avec un tout petit guidon de trottinette, et une double sortie d’échappement luxueusement chromée mais néanmoins soigneusement emballée de bandes molletières, probablement parce que le propriétaire s’y était cramé les mollets.

Mon Dieu, pourquoi tant de beauté !

Quel généreux mécène avait offert au regard du vulgum pecus cette vierge languide inclinée à 45°sur une béquille parcimonieuse, moitié Maja Vestida, moitié Maja desnuda, source d’une convoitise irrépressible (pour un autre que moi s’entend).

J’ai alors tenté un exercice d’altruisme hautement périlleux : me mettre dans l’hypothétique cervelle du propriétaire de ladite Haaaaarley et m’efforcer de concevoir la jouissance que pouvait provoquer, après s’être dûment chaussé d’une paire de lunettes de piscine et couronné d’une demi-pastèque noire, une déambulation sur un pétarou aussi bruyant qu’inconfortable et aussi biscornu qu’onéreux.

Que Groucho Marx me soit témoin, il n’y avait de ma part aucun sentiment de jugement, d’arrogance et encore moins de mépris. J’essayais simplement d’entrer en résonance avec mon prochain, fut-il un cowboy frangé de Milwaukee, mais cet exercice m’apparut plus difficile encore que de ricaner du Tractatus Théologico-Politicus de Spinoza avec des pygmées.

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CUCURBITAE CAPUT HABERE.

Avoir une tête de courge – avoir une cervelle d’oiseau.

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