PLOMBIER TOC-T.O.C.

Déjà il est arrivé à l’heure !

Rien que ça, pour un plombier, c’était suspect !

Quand il a sonné, j’ai appuyé sur la gâche électrique mais il n’est pas entré, et j’ai dû descendre jusque dans le hall pour l’apercevoir sur le trottoir, absorbé à vérifier à l’aulne de sa chaussure, l’équidistance de ses pneus et des bandes blanches limitant la place de stationnement.

Puis il a pressé la télécommande de fermeture centralisée, a fait le tour de son véhicule pour s’assurer que les quatre portes et le hayon étaient bien verrouillés, a fait un second tour et, des deux mains plaquées sur chaque vitre, a pu s’assurer qu’aucune d’entre elles ne pouvait être baissée de l’extérieur.

Là il marqua une pause le temps de se repasser mentalement sa check-list, pivota enfin sur lui même et constatant que la porte était ouverte et que j’en occluais l’embrasure, vint me serrer la pince.

L’association d’idée lui fit alors réaliser que sa caisse à outils était restée dans la malle.

Il repressa donc la télécommande de verrouillage centralisé, prit son matériel, rerepressa la télécommande de verrouillage centralisé, refit le tour des portes, rerefit le tour des vitres et, dissimulant mal son inquiétude, se résigna à m’emboîter le pas.

Voilà un gars soigneux ! que j’me suis dit.

La besogne que j’infligeais à son art consistait pour l’heure à amener sur un mètre à partir du cumulus, l’eau chaude et l’eau froide par deux segments de tuyaux parallèles et à poser deux robinets d’arrêt en attendant l’installation des éléments de cuisine.

Ce n’était pas pharaonique ! 

À priori…

Il comprit assez rapidement et après un rien de redites et un tracé circonstancié sur le mur, je le laissai à ses épures pour m’en aller gagner ma pitance.

Quand je repassai à midi, je découvris mon gaillard en prière devant deux tuyaux qui, pour ne pas être encore raccordés au réseau général, ne s’en trouvaient pas moins dotés de deux robinets d’arrêt à manettes laquées rouge du plus bel effet.

Le bougre m’informa que le soir même il aurait remis en eau (remettre le courant eu été plus poétique me susurrai-je in petto), et m’expliqua avec le plus grand sérieux et une insistance non feinte, que, quand il aurait remis en eau, ce soir, il fallait surtout pas que j’ouvre les robinets, surtout pas ! Parce que si j’ouvrais les robinets ça coulerait partout et qu’il fallait surtout pas ! Parce que si que j’ouvrais que ça coulerait partout que si que j’ouvrais les robinets…

Ah bon ? Ricanai-je dans ma barbe intérieure tant il est vrai, comme disait Courteline, que Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet.

Mais, bon joueur, je me confondis en remerciements sur la pertinence de sa mise en garde tandis qu’il me toisait avec la même condescendance qu’une guenon à qui l’on proposerait un thé ordinaire dans un service en Wedgwood.

Ceci dit j’avais d‘autres plomberies à écouter et ce ne fut qu’en rentrant que je fus pris d’un frétillement perfide : enivré de la jubilation d’une transgression diluvienne, je me voyais déjà, soustrait à l’oracle d’Alphée, inondant à loisir mon appartement et les bureaux sous-jacents.

Las…

Le manant, toqué jusqu’aux soudures, avait non seulement obturé la sortie des robinets avec des bouchons filetés soigneusement étanchéifiés au téflon, mais avait également amputé les dits-robinets de leurs manettes laquées rouge (du plus bel effet) qu’il avait sadiquement gardées par-devers lui.

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QUOD LICET JOVIS NON LICET BOVIS 

Ce qui est permis à Jupiter n’est pas permis au bœuf

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