Prise de tête sur France-Q (France-Culture) quant à la différence entre altruisme (générosité libre et gratuite) et philanthropie (attitude de bienveillance et de bienfaisance), dans les deux cas à l’égard d’inconnus.
Vous avouerai-je que je suis resté sur ma faim…
Dans ces cas-là, l’argument gagne à s’appuyer sur les antonymes :
ALTRUISTE vs EGOISTE
PHILANTHROPE vs MISANTHROPE
Jeu de combinaisons d’où il ressort :
- qu’un altruiste peut être philanthrope (et réciproquement)
- qu’un égoïste peut être misanthrope (et réciproquement)
- qu’un philanthrope ne saurait être égoïste (et réciproquement).
En revanche, rien n’interdit à un altruiste d’être misanthrope (et réciproquement). Pourquoi serait-il nécessaire d’aimer son prochain comme soi-même pour le secourir ? (Contrairement à ce que soutient Jésus en Mt 22,34 ou Mc 12,31, reprenant Lv 18,19).
Vous avouerais-je que ce paradoxe n’est pas pour me déplaire.
Mais je vous ennuie avec mes arguties !
Reconnaissez tout de même que l’égoïsme des autres (jamais le mien !) est parfois époustouflant.
Tenez, pas plus tard que l’autre jour, cerise sur le prétendu goulasch dont la maîtresse de maison nous avait punis, voilà qu’un convive achève de nous gaver de la narration détaillée de la mesquine (mais efficace) escroquerie à l’assurance dont il venait de faire l’exploit.
Cet impudent a-t-il un seul instant réalisé que le misérable bénéfice personnel dont il se targuait allait être financé par les cotisations des autres sociétaires ci devant attablés.
NOS cotisations !
MA cotisation !
Et tel autre qui se soustrait aux vaccinations prétendant que l’on ne voit plus ni tuberculose ni oreillons ni rougeole ni coqueluche et j’en passe. A-t-il un seul instant intégré l’idée simplissime que toutes ces maladies avaient précisément disparu parce que nous autres moutons de Panurge étions vaccinés. (Pour lui, oserais-je dire).
Ah la belle audace que de faire fi de la loi sur le compte de son voisin qui la respecte !
Mais les plus flamboyants dans le registre sont incontestablement les motards !
Notez, à leur décharge, que j’ai pour eux une tendresse toute particulière, car le motard est un donneur d’organe assidu.
Son comportement rebelle dissimule mal un altruisme ou une philanthropie qui permet de trouver sur le marché les rognons les plus frais, les foies les plus rutilants, des cœurs vaillants à qui rien d’impossible, des cerveaux… Oh pardon, la greffe de cerveau ne se pratique pas encore ! Une chance après tout pour celui qui hériterait d’un motard un cerveau en déshérence.
Car le motard est libre, non libre de faire ce qu’il veut, (ce qui en soi est déjà une ânerie), encore moins libre de vouloir ce qu’il fait, (concept philosophique qui ne saurait trouver place sous un casque par définition intégral).
Non, le motard se sent libre de faire n’importe quoi !
Le motard, sous son faux air viril, est en soi une apologie du caprice.
Déjà quand un homme est mené par ce qu’il a entre les jambes c’est rarement pour être très fin. Mais si la cylindrée s’en mêle… D’autant que, dans ce cas comme dans l’autre, la maestria n’est guère proportionnelle à la dite cylindrée (contrairement au fantasme commun !).
De tout temps le cavalier a méprisé la piétaille, et les règles communes de la conduite, fût-elle motocycliste, ne lui ont jamais été destinées.
(Notez que lorsqu’un motard me parle bécane, je prends toujours un méchant plaisir à lui répondre motocyclette).
Mais au moins le motard est-il condescendant pour le manant et magnanime lorsqu’il le dépasse à fond à l’heure.
Et cela suivant un code bizarre qui lui est propre.
Ainsi, pour vous remercier de ne pas l’avoir, dans son boyau de cuir, transformé en chipolata, lève-t-il aimablement la papatte comme s’il allait vous pisser dessus.
Mais attention pépère, comme le sinistré et le tuberculeux, ton mépris à l’égard de la loi ne tient qu’au sein d’un groupe de circulants dociles.
Qu’un seul en effet, par mauvaise volonté ou par inadvertance, vienne à se soustraire à la règle, qu’une petite mamie oublie son clignotant, ou qu’un camion s’offre une volte de patineur, et te voilà coluchisé raide et réduit à l’état de greffon !
Bien sûr l’autre sera toujours en tort, en tort de n’avoir pas respecté la loi, cette loi sur laquelle le motard s’appuie pour soutenir l’arrogant mépris dans lequel il la tient.
.
NEMO AUDITUR PROPRIAM TURPITUDINEM ALLEGANS
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude