Je ne sais d’où je tiens cette répartie qui, dans mon approximative mémoire, serait attribuée à madame de Scudéry (on ne prête qu’aux riches), quant à savoir si l’on peut parler de « ces choses » devant les jeunes filles :
À celles qui ne savent rien ça n’apprend rien
Et à celles qui savent, ça n’apprend rien non plus.
Forts de cet adage, les adultes, dont ma grand-mère, s’autorisaient à raconter devant nous, jeunes béotiens, des histoires dites drôles qu’elles croyaient innocentes, comme celle de ces trios de gamins discutant devant la porte de leur immeuble :
– Moi, disait le premier, je suis né dans un chou.
– Moi, rétorquait le second, dans une fleur.
– Et moi dans un œuf, affirmait péremptoirement le troisième.
– Comment ça dans un œuf ?
– Ben oui, chaque fois que j’passe d’vant sa loge, la concierge s’esclaffe : Tiens v’là l’petit d’la poule du cinquième !
Je riais bien sûr, pour ne pas paraître idiot quand cette question, moi aussi, me taraudait : ça vient d’où les enfants ?
Et chaque indice ne faisait qu’accroître ma perplexité.
Ainsi, bien avant l’invention des tampons hygiéniques, suis-je à plusieurs reprises resté figé devant des couches que ma mère laissait sécher sur le radiateur de la salle de bains alors que, dans le même temps, ni biberon s’égouttant sur le bord de l’évier, ni vagissements provenant de quelque soupente, ne pouvaient laisser soupçonner la présence d’un nourrisson caché dans la maison.
Mais le pire suintait de la buée des propos égarés :
Tout le monde sait que c’est un enfant non désiré ! asséna un jour ma tante à propos d’un petit voisin de mon âge.
Mais comment pouvait-on faire l’acquisition d’un enfant si l’on ne le désirait pas ?
Ou encore ma grand-mère, toujours elle, parlant de sa sœur qui avait eu cinq enfants – sans compter les autres…
Les autres !
Quels autres ?
Ceux que le Petit Poucet n’avait pas su ramener au bercail ?
Aujourd’hui bien sûr j’ai tout compris, les couches, le désir, les autres…
Au final, c’était peut-être mieux avant…
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LIBIDO SCIENDI
Le désir de savoir