NEGRESSE À PLATEAUX 

Je n’avais guère plus de quatre ans, lorsqu’un jour, ébahi dans le métro, j’ai demandé à ma grand-mère :

Dit mamie, pourquoi il est moir le monsieur ?

Hein. Pourquoi il est moir ?

Y s’est pas lavé ?

Hein ? Dit Mamy.

Et poussant la joue de la pauvre mère-grand, gênée à en descendre de la rame, elle qui en privé, fille de sa génération, appelait un noir un nègre, un arabe un crouille et un juif un youpin (sans oublier les niakoués).

Honte, honte à elle qui ne connaissait ni les blacks, ni les reubeus ni les feujes (et encore moins les noichis).

Honte, honte à elle pour qui un tirailleur était forcément sénégalais et une négresse à plateaux.

Ah, la négresse à plateaux !

S’il existe une sexualité infantile comme le prétend Feud, négresse à plateaux aura été ma première jouissance orale, plus intense encore que pipi-prout ou patate-pourrie.

Négresse à plateaux !

Une palatine, une gutturale, une labiale et une dernière palatine pour pousser.

Ça vous vaut bien dix Malabars !

Essayez donc de se faire pisser de rire deux marmots en leur faisant scander à tue-tête : une femme de couleur à prothèses labiales.

Et puis d’abord, avec ou sans prothèses labiales, moi aussi je suis un homme de couleur.

Quoi ! Le blanc c’est pas une couleur ?

Mais si on va par-là, Môssieur, le moir non plus c’est pas une couleur.

Alors épargnez-moi vos euphémismes à deux balles, faute de quoi, question couleur, il ne restera plus que les Schtroumfs.

Méouquélèmanégressaplato ?

Quant à Jules RENARD, il était roux, c’est dire !

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ABSIT INVIDIA VERBO

Qu’il n’y ait pas d’impopularité contre ce mot

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