Monsieur 33 vous invite
à faire un brin de causette
– Bonjour, c’est marrant votre affichette. Ça veut dire quoi ?
– Tout simplement que je suis disponible pour partager avec vous quelques bribes de vie.
– Sympa comme idée, ça vous vient d’où ?
– Voyez-vous, j’ai passé ma vie, en particulier professionnelle, à écouter les gens, et, pour ne rien vous cacher, ça me manquait. Alors j’ai trouvé ce petit coin abrité dans la rue et j’y ai installé ces deux fauteuils pliants. Ce n’est pas du meilleur goût, mais c’est confortable.
A moi de vous poser une question : comment vous appelez-vous ?
– Bernadette.
– Eh bien, Bernadette, n’hésitez pas à prendre place.
– Merci, mais je ne resterai pas longtemps car on m’attend.
Question subsidiaire : c’est payant vos entretiens ?
– Oh que non, c’est on ne peut plus gratuit !
– Ça ne va pas arrondir vos fins de mois…
– Honnêtement, ce n’est pas le but.
Voyez-vous, Bernadette, dans ma vie, j’ai beaucoup reçu, et, plus encore. Comme dit l’évangile : j’ai moissonné avant de semer.
– Comment ça ?
– J’ai été et nourri et vêtu et logé gracieusement dans mon enfance ; puis mes parents ont subvenu à mes besoins jusqu’à financer études et vacances. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à travailler que je peux considérer que je me suis mis à semer.
– Mais, si vous avez de enfants, vous avez dû faire la même chose pour eux.
– C’est vrai. Mais ce qui me scandalise aujourd’hui c’est de toucher une retraite.
– Et alors ? Rien de plus normal me semble-t-il…
– Et alors ! Mais vous vous rendez-compte Bernadette, je suis un baby-boomer !
– Moi aussi. Je ne vois pas où est le problème.
– Soyons clairs, nous, les baby-boomers, nous avons tout bouffé, nous avons laissé des papiers gras partout et nous sommes partis sans payer l’addition.
– Excusez-moi, Monsieur 33, mais là, je suis complètement perdue.
– Je traduis :
Nous nous sommes servis jusqu’à les épuiser dans les ressources naturelles, que ce soient les aliments, en particulier les poissons, les matériaux comme le bois, les minerais, les combustibles fossiles et même l’eau.
Nous avons laissé en lieu et place une pollution effroyable.
Et pour couronner le tout, nous avons légué à nos enfants un surendettement astronomique.
Et l’on voudrait qu’ils appliquent encore le cinquième commandement :
Honore ton père et ta mère,
Afin que tes jours se prolongent dans le pays
que l’Éternel, ton Dieu, te donne.
– Vu sous cet angle, il y a en effet de quoi avoir honte.
– Excusez-moi Bernadette. Mais, que voulez-vous, je trouve obscène d’exiger le versement d’une retraite de la part des générations suivantes.
– Je vais y réfléchir…
En tous les cas, Monsieur 33, votre idée est sympa.
Promis, je reviendrai faire un brin de causette à l’occasion.
– N’hésitez pas…
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OMNIBUS ADSUM
Je suis ici pour tous