LE PANTALON DE L’ABBE

– Bonjour l’Abbé.

– Bonjour Monsieur 33.

– Comment vont les affaires ?

– Je viens d’avoir une conversation avec un jeune qui se dit musulman.

– Qui se dit musulman ! Il est musulman ou il n’est pas musulman ?

– Quand je dis il se dit musulman, c’est parce que j’ai trouvé sa position bien identitaire. Nous avons un peu entamé la conversation et je lui ai demandé s’il suivait les cinq piliers de l’islam.

– Les cinq piliers de l’islam ?

– Oui : le premier, et le plus important, est la profession de foi.

– Comme le credo en quelque sorte…

– En quelque sorte oui, le deuxième comprend les cinq prières quotidiennes, vient ensuite l’aumône régulière, le jeûne annuel du Ramadan et au moins une fois dans sa vie le pèlerinage à la Mecque. Eh bien, monsieur 33, il ne connaissait rien de tout cela.

– Vous êtes rude !

– En revanche, quand je lui ai demandé à quelle époque avait vécu Jésus, il m’a répondu en l’an zéro ; sa date de naissance ? Noël ; où ? il m’a dit Israël. Bon c’était la Palestine mais on ne va pas rentrer dans les conflits politiques. Il savait en outre que sa mère s’appelait Marie. Pour sa naissance à Bethléem il a calé.

– Comme quoi, il avait une bonne éducation chrétienne, c’est déjà ça.

– Mais quand je lui ai demandé où avait vécu le Prophète, il m’a répondu à la Mecque.

– Vous voyez bien qu’il n’était pas aussi inculte que vous le prétendez.

– Erreur Monsieur 33 ! Si la grande majorité de la vie du Prophète s’est déroulée à la Mecque, l’essentiel de sa prédication et de son action politique se sont déroulées à Médine.

– Décidément, je ne ferais pas un bon musulman. Mais au final l’Abbé, est-ce que tout cela a vraiment de l’importance ? N’avons-nous pas le même Dieu ?

– Nous avons plus que le même Dieu Monsieur 33.

– Qu’entendez-vous par là ?

– Par exemple, Monsieur 33, nous avons le même pantalon.

– A peu de choses près.

– A peu de choses près en effet, mais globalement nous avons des passants pour la ceinture, deux poches et de surcroît je pense que nous avons vous et moi dans la poche droite une mini poche pour glisser un briquet ou un trousseau de clé, deux poches arrière, une braguette, deux jambes et des ourlets en bas de ces jambes. Globalement nous pouvons donc dire que nous avons le même pantalon.

– Et alors ?

– Et alors nous avons certes le même pantalon, mais nous avons chacun le nôtre. Dire que nous avons le même Dieu voudrait, suivant la métaphore que je viens d’employer, signifier que nous pourrions avoir chacun le nôtre fut-il avec les mêmes attributs.

– Ce serait gênant ?

– Ce serait totalement stupide : nous n’avons pas chacun notre dieu. Il n’existe qu’un seul Dieu et au final chacun l’honore à sa manière.

– Très œcuménique comme pensée.

– Il n’y a que par l’œcuménisme que nous sortirons des guerres de religions.

– Mais vous avez parlé de position identitaire, ce qui conduit au communautarisme. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un problème de religion mais d’un problème sociétal, ce qui risque de conduire non pas à une guerre de religion mais à une guerre civile. Le pire serait alors à craindre.

– Le pire est peut-être à craindre.

– Avez-vous fait remarquer à ce jeune homme que lui et vous aviez le même pantalon ?

– Il était en jogging…

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QUOT CAPITA, TOT SENTENTIÆ

Autant d’avis différents que d’hommes

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