MES PETITES PRINCESSES

– Jean-Pierre vous avez l’air de méchante humeur.

– Je viens de garder mes petites filles.

– Charmantes petites princesses…

– Ah ne me parlez pas de princesses ! Elles n’ont que cette idée en tête : et que je me couvre de bracelets et de colliers et de couronne, et que je m’emmitoufle de taffetas et de tulle. Pour ça elles sont bien inscrites dans leur genres ces chipies.

Et bien entendu il faut que je leur lise des contes de fée…

J’en ai marre !

– Pourquoi donc ?

– Ils se terminent toujours bien ces contes à la noix…

J’en ai marre !

– C’est plutôt rassurant pour les enfants. Et puis ça leur évite sans doute de faire des cauchemars.

– Et moi je vous dis que c’est une trahison !

Tenez, un exemple au hasard : connaissez-vous la véritable fin de Blanche Neige par les frères Grimm ? Le Prince-Charmant arrive (toujours là celui-là) – Blanche-Neige se réveille – et hop, ils tombent instantanément amoureux (ben voyons !) et organisent leur mariage. Et à ce mariage, ils invitent mine de rien la méchante reine et la force à porter des chaussures en fer chauffées à blanc et à danser jusqu’à ce que mort s’ensuive.

– Charmante enfant cette Blanche givrée !

– Bon, je reconnais que pour le grand public ça n’aurait pas été très glamour. L’essentiel étant tout de même que la reine finisse par mourir de sa méchanceté.

Par contre, je ne décolère pas en ce qui concerne la Petite Sirène.                                                                          

Il faut vous dire qu’enfant je pleurais des Niagara quand ma grand-mère me lisait l’histoire à la fin de laquelle, refusant de tuer le prince, la Petite Sirène se transformait en goémon. Je n’avais pas une idée exacte de ce qu’était le goémon mais je percevais que ce devait être une fin bien triste.

Et bien vous savez ce que les studios Disney en ont fait ?

Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…

J’en ai marre !

– Mais, Jean-Pierre, c’est juste une tradition littéraire. Tous les contes de fées débutent par « Il était une fois… » et s’achèvent par « …ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. »

– Mais enfin Monsieur 33, nos mères se sont battues pour obtenir le permis de conduire, le droit de vote, pour pouvoir ouvrir un compte en banque sans l’accord de leur mari, pour bénéficier de la contraception et de la légalisation de l’IVG, pour obtenir la parité dans les instances démocratiques et un salaire égal à celui des hommes pour un travail égal, et l’on vient me demander d’endormir leurs arrière-petites-filles avec des histoires de mariage et de grossesses multiples !

Et bien j’en ai marre !

Pour un peu j’aurais envie de broder un chouia : la jolie princesse, à force d’être sans arrêt en cloque, perdit toutes ses dents, devint moche moche moche et avec ça grosse grosse grosse, le ventre qui pendouille et les nibards sur les genoux. Du coup le Prince Charmant s’en trouva la libido toute décontenancée et préféra aller se faire troncher par le grand chambellan.

Bien fait, na !

Il faut bien que quelqu’un leur apprenne la vraie vie à ces gamines !

– Risquée votre mise au goût du jour…

– Vrai ! Si Papy-Charmant se la joue vilain crapaud, j’ai comme dans l’idée que, cafté aux parents, je risque illico presto de me retrouver au minimum persona non grata et au pire en garde à vue.

Malheur aux lanceurs d’alerte !

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QUIDQUID AGIS, PRUDENTER AGAS, ET RESPICE FINEM

Quoi que tu fasses, fais-le avec prudence sans perdre de vue la fin

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