– Monsieur 33, aimez-vous Coluche ?
– En toute honnêteté François j’ai découvert son génie plutôt après sa mort ; de son vivant, bêtement, je le trouvais vulgaire.
– Vous avez raison Monsieur 33, c’est un vrai génie.
– Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
– Savez-vous ce qu’est une métonymie ?
– Tout de même… Mais puisque vous êtes prof de lettres, je vous autorise à me faire un rappel.
– Alors je vais jouer au prof !
Pour mémoire, une métaphore consiste à utiliser un terme concret pour désigner, par analogie, l’idée que l’on se fait d’une chose ou d’une personne.
– Holà, donnez-moi un exemple ce sera plus simple.
– Eh bien, par exemple : amoureux vous pouvez dire tu es le soleil de ma vie. Ou bien, d’un sale type que c’est un chien comme on parle des requins de la finance. Soleil, Chien ou Requin sont des termes concrets qui du coup désignent de façon imagée l’idée abstraite que l’on se fait de l’être aimé, d’un sale type ou des profiteurs.
– Et la métonymie ?
– Un peu pareil, mais si, dans la métaphore, il n’y a aucun rapport réel entre le terme concret employé et l’idée soutenue, un chien et un sale type par exemple, ce lien existe dans la métonymie.
– Oups ! Excusez-moi une fois de plus François, mais je pense que ce serait plus clair avec un ou mieux, plusieurs exemples.
– Eh bien il peut y avoir un rapport de la partie pour le tout, comme lorsque vous dites qu’un fermier a cent têtes de bétail.
– Effectivement, j’imagine qu’il possède autant de tronc et les quatre cents pattes qui vont avec.
– Ou encore, vous pouvez utiliser le contenant pour le contenu comme boire un verre. Personne n’a jamais bu un verre, mais le vin ou la bière qui s’y trouve contenu.
– Vous me rappeler un patient à qui j’avais prescrit un anxiolytique en gouttes et qui m’avait posé la question suivante :
« Est-ce que ce serait dangereux si j’avalais le flacon ? » Ce à quoi je lui avais répondu :
« Effectivement, si vous avalez le flacon, vous risquez de vous retrouver aux urgences. »
– Bravo vous avez tout compris.
– Merci François. Je dirais de façon métaphorique que je ne suis pas complètement cloche. Mais revenons à Coluche.
– Souvenez-vous d’une de ses blagues :
C’est l’histoire d’un mec qui dit au père de sa copine :
Je viens vous demander le vagin de votre fille.
Vous voulez dire la main ?
Non, si c’est pour faire ça avec la main, j’ai la mienne !
Eh bien, là où Coluche est génial, c’est que dans cette histoire il fait, probablement sans le savoir, une double métonymie.
– Dépliez-moi ça François.
– Traditionnellement, on demande au père de sa Dulcinée la main de sa fille. Bien entendu, chacun comprend qu’en demandant la main, c’est la fille tout entière que l’on demande.
– Une chance que le père ne soit pas psychotique, sinon il irait chercher une hache, couperait la main de ladite fille et la donnerait au galant.
– Exactement. Mais au final, en demandant la fille tout entière, c’est bien le vagin que vise le galant comme vous dites.
– Comme vous y allez !
– Ne soyez pas naïf Monsieur 33 – un mariage demande à être consommé.
– Je vous l’accorde.
– Coluche, dans son histoire, enjambe allègrement la double métonymie et vise directement le vagin.
– Pas con le mec.
– Ça c’est une litote !
– Oh là François, ne m’embrouillez pas.
– Ce raccourci, le père tente poliment de le détricoter en requalifiant sa fille par la métonymie de la main. Mais le mec refusant obstinément de l’entendre, reprend l’objet à son premier degré :
Si c’est pour faire ça avec la main, j’ai la mienne !
C’est en cela que Coluche est vraiment génial.
– Et vous utilisez cet exemple pour expliquer ce trope à vos élèves ?
– C’est ce que j’ai tenté une fois.
– Banzaï !
– Évidemment, ces petits cons sont allés raconter ça à leurs parents, qui sont allés voir le principal.
Panique académique oblige, le principal les a soutenus mordicus et m’est tombé dessus.
Bref je me suis retrouvé dans l’embarras et j’ai bien juré que l’on ne m’y reprendrait plus.
– Et, comment vous y prenez-vous maintenant ?
– J’évite le péril d’un exemple et leur donne juste la définition du dico.
– À savoir ?
– Figure par laquelle on exprime un concept au moyen d’un terme désignant un autre concept qui lui est uni par une relation nécessaire.
– Et alors ?
– Alors ils ne comprennent rien.
– C’est débile.
– Je ne vous le fais pas dire, mais moi au moins je suis pénard.
– Dommage que l’on n’étudie pas encore Coluche au collège…
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RES IPSA LOQUITUR
La chose parle d’elle-même