MOI, J’AI GRILLÉ LE FEU ?

Savez-vous, gens honnêtes, vous qui payez vos impôts €uro sur TIP, vous qui farcissez les parcmètres, vous qui, sur l’autoroute, ne dépassez presque pas le 135 (parce que quand même !), vous qui ne passez pour ainsi dire jamais à l’orange foncé, vous qui en viendriez presque à regretter de ne pas être un soupçon handicapé quand on voit toutes ces places qui chôment, savez-vous donc, faquins roulants, que tout circulant est un contrevenant qui s’ignore !

Nourri de ce précepte, et même si, au plus fort de mon bronzage, le fait que je n’ai pas une tête à m’appeler Mohamed simplifie notablement mes rapports avec la maréchaussée, ce n’est pas sans une fluette appréhension que je m’en allais, bicyclettant descendant (biking down) la rue Voltaire en cette aoûtienne soirée.

C’est alors que je réalisai, circonstance aggravante, que je n’avais pas pris mes papiers. Et qu’il serait des plus malvenus que je commisse une infraction avec le risque d’être verbalisable et plus si démêlés…

La suite devait me rappeler que le pire n’est jamais décevant.

Carrefour Rameau, le désert…

Pas un chat, et encore moins de poulet…

Et hop, que je te me grillotte le feu…

Quand soudain, semblant tomber du ciel et venant de nulle part, surgit un autocar.

Non, pas un autocar, c’était juste pour l’assonance en hommage à Barbara.

Pas un autocar, et c’est tant mieux, mais tout de même une voiture de police aussi peu banalisée qu’une roulotte Pinder, et qui, comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, vint squeezer ma randonnée estivo-vepérale contre le trottoir de la rue dite de la Chaussée Saint-Pierre. (Rue ainsi nommée, ai-je longtemps cru, parce que, sur ses quarante huit mètres de long, elle ne compte pas moins de quatre magasins de chaussures).

Mais l’heure n’était pas aux emplettes et le prince charmant qui baissait sa vitre n’avait pas une tête à me proposer un essayage d’escarpin, fut-il en simili vair.

Mais putain de bordel de caddy chromé, comment j’ai fait pour ne pas remarquer ce cow-boy dans sa diligence à lanternes ?

– Vous avez grillé le feu !

– Moi j’ai grillé le feu ?

– Je ne voudrais pas vous vexer, mais vous jouez mal.

– C’est possible, on la refait. Pouf, pouf : Vous avez grillé le feu ! deuxième.

Et lui, bon joueur :

– Vous avez grillé le feu ! 

Alors, les yeux fixés sur ma pensée, sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, seul, inconnu le dos courbé, les ongles lacérant mon absence de poitrine, Sarah Bernard avant sa jambe de bois, éploré tragique face à l’iniquité du moment, je laissai ma gorge éructer un implorant, pathétique et pour peu sincère :

MÔA, j’ai grillé le FEUUU !

Bon c’est vrai monsieur l’agent, il n’y avait personne et je me suis laissé aller à négliger ce feu ; mais je peux vous jurer sur la tête de lecture de mon premier pick-up, que jamais, jamais je n’aurais commis une telle peccadille si je vous avais vu.

Parce qu’enfin… Si je vous avais repéré tapi là-bas côté cour, vous imaginez-vous que je me serais laissé aller à commettre là, en fond de scène, un forfait qui devait conduire à me faire si prestement interpellé ici, côté jardin ?

– Il n’empêche que ce n’est pas prudent !

– Oui monsieur l’agent, promis je ne le referai plus, bonne soirée monsieur l’agent.

– Bonsoir.

Et zoom, je file, car dans ces cas là, on a beau avoir du talent, il faut savoir résister aux rappels du public.

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 UTI NON ABUTI

User, mais ne pas abuser

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