CONFITURE DE SONGE

Ma mèère disait lorsque je grimaçais sur un plat :

On en mange quand mêêême !

Jusqu’à ce l’on aiiiime !

Du coup je mange de tout, ce qui signifie que je peux faire pénétrer dans ma cavité gastrique tout ce qui aura été déposé dans mon assiette.

Pour ce qui est du plaisir, il faudra demander au Pape.

Mais non seulement je suis soumis, Dominus Vobiscum, mais parfois j’en redemande, Et Cum Spirito Tuo.

Ainsi, lors d’un de mes derniers voyages exotiques, ai-je acheté de la CONFITURE DE SONGE AU GERANIUM.

Poétique n’est-il pas !

Quelques jours plus tard, de retour dans la grisaille un quart de mappemonde plus au nord, vous vous levez tout guilleret, bercé de l’illusion que le simple décapsulage de ce petit pot de rêve va faire surgir dans votre cuisine le clapotis de la mer, la torpeur de la plage, la fraîcheur des cocotiers et les clameurs créoles des marchands de papayes.

Et voilà que le gourd frimas promet de tourner à la moiteur lascive quand, entre deux gorgées d’Earl Grey al dente, vous encollez de cet inestimable emplâtre un toast fraîchement grillé.

Et hop !

Mais alors une seule bouchée suffit à bousiller votre p’tit dej tandis que surgit l’irrépressible envie d’engueuler votre secrétaire simplement parce que son teint pastel trahit un dopage éhonté à la gelée-de-mure-petit-pot-de-beurre de mère-grand.

Ami ne vous y trompez pas !

Le songe en cette occurrence n’a rien d’onirique.

Loin, loin, très loin des cieux bleus, plus bleus que le bleu de tes yeux.

Pour info, la confiture de songe ça se cuit longtemps (le songe n’est pas tendre), ça se sucre (de canne) abondamment, et ça s’aromatise au géranium.

Pourquoi au géranium ?

Parce qu’avec une telle base vous avez bien compris, gastronome ordalique, que vous visiez la confiture de l’extrême.

Le songe n’est autre en effet qu’un genre de rave au bouquet betterave-topinambour en bouche, première saveur dont le souvenir vous paraîtra infiniment suave après qu’aura surgit une caudalie tenace serpillère-fin-de-mousson.

Et comme de surcroît ma mèère disait :

On ne jette pas la nourriture !

J’ai calculé, compte tenu de la parcimonie avec laquelle je me sape le moral chaque matin, qu’il me reste au bas mot quarante sept occasions de pester contre les tropiques avant mon come-back, by appointement to Her Gracious Majesty the Queen, à ma fidèle English Thin Cut Orange Marmelade.

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CUIUSVIS HOMINIS EST ERRARE

Il appartient à tout homme de se tromper

1 commentaire

  1. Beaucoup aimé ce texte sur la confiture de songe au géranium, re-nommée confiture de l’extrême. Alors ? Non ? ça ne dégouline pas ? ça ne passe pas par les trous de la tartine ? Mince alors ! Au moins ça colle aux doigts vu la quantité de sucre … Parait que l’index glycémique est bon pour le songe. Pour être franche j’aurais pas eu le courage de renouveler l’expérience. J’aurais trouvé un stratagème pour en faire du compost et nourrir mes lombrics, et aussi couper court à la petite voix culpabilisante !!! J’ai retenu quelque chose grâce au texte sur le songe : au p’tit déj’ : on peut se remémorer ses songes mais cajoler ses papilles pour bien démarrer la journée !

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