BRISEURS DE REVE

J’ai un ami qui a rencontré l’Esprit Saint. Le problème c’est que cette rencontre pourrait être comparée à la chute d’une noix de coco sur sa calebasse et qu’à mon humble avis, il en est ressorti un peu fêlé.

Heureux les fêlés dit-on, c’est par eux que passe la lumière.

Certes mais sa manie, au sens de folie, de voir en toute occasion des coïncidences et des providences, des signes de la main de Dieu, finit par être lassant et pour tout dire inquiétant.

Bref, son délire mystique m’a copieusement saoulé et à retardé mon retour dans la foi.

Et pourtant !

Et pourtant il m’a bien fallu reconnaître que j’avais un esprit, une âme, un personnage, un fantôme, bref un ange gardien qui veillait sur moi.

Il se trouve que la porte d’accès à mon parking souterrain est équipée d’un groom pour le moins teigneux, autrement dit si puissant que la porte se referme avant même que j’ai eu le temps de passer et tend à rameuter tout l’immeuble en claquant violemment.

Or, pas plus tard que récemment, regagnant ma couche vers 1h du matin, je me suis trouvé fort démuni devant ma porte palière en réalisant que j’avais laissé mes clés dans ma voiture, clés aussi indispensable pour ouvrir mon logis que pour pénétrer dans le garage.

Misère de moi !

Inutile de redescendre en espérant que le groom n’ait pas fait son maudit office.

C’est pourtant ce que je fis et, alléluia ! Miraculeusement cette porte ne s’était pas refermée et le penne ne s’en trouvait pas enclenché.

Merci Seigneur pour cette grâce nocturne.

Après une nuit à couvert, mon esprit scientifique est malheureusement venu taquiner mon enthousiasme mystique et redescendant au garage, je pu expérimenter qu’en retenant la porte, comme je l’avais sans doute fait la veille pour lui éviter de réveiller tout le voisinage, et bien, qu’ainsi brimée, son penne ne s’enclenchait pas.

Chassez le sentiment subjectif pour n’autoriser que l’observation objective comme le préconisait Bachelard dans la Formation de l’Esprit Scientifique.

C’est bien le but de la science.

Et c’est par là même la mort du rêve

Chacun d’entre nous a pu apprécier l’odeur du linge séché au soleil.

D’aucuns prétendent en revanche que la Lune décolore les tissus oubliés sur le fil et même les déchire.

Quelqu’Einstein en herbe a même osé l’expérience consistant à comparer un lot de linge séché au clair de la Lune avec un autre laissé à l’abri.

Je ne m’étendrai pas sur l’intérêt du résultat.

Si ce n’est lui, c’est sans doute son frère qui est allé jusqu’à étudier la conservation des bulles de champagne avec une petite cuillère ou l’effet du sel sur une nappe tachée de vin.

D’accord, la bullosité du champagne au fil du temps s’avère être constante avec ou sans petite cuillère, et le sel a même la fâcheuse tendance à fixer les pigments du pinard dans le tissu.

Et alors ?

Tous des briseurs de rêves !

Les sages femmes de leur côté prétendent que la fréquence des accouchements augmente au changement de lune.

Quel changement de Lune ? La nouvelle lune, la Lune montante, la pleine lune, la Lune descendante ?

Aux changements de Lune !

Mais ma pauv’dame, la Lune elle change tout l’temps !

Mais en revanche on ne changera pas les sages femmes…

Je me suis laissé aller, il y a bien des années, à faire une étude idiote sur le sujet : il suffisait, pour confondre ces bornées, de comparer les registres d’état civil et les cycles lunaires.

Quel nigaud !

Après avoir dit merde à Bachelard, je me suis empressé de détruire tous les résultats et j’ai continué à mettre ma petite cuillère dans le goulot du champagne.

Plutôt que de ramener la question à la résolution d’une énigme scientifique, je préfère que cette respectable tradition cuillèro-pétillante reste un mystère divin.

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OMNIBUS EXEMPLUM SIT REGULA

Que pour tous ce modèle soit la règle

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