– Bonjour Monsieur 33.
– Ah, bonjour Bernadette. Je ne vous avais pas entendue arriver.
Mais vous avez l’air soucieuse !
– Objets inanimés avez-vous donc une âme ?
– Ah Lamartine…
– Pour ça oui, Lamartine !
– Un des plus beaux vers de la poésie française.
– Une belle connerie vous voulez dire.
– Bernadette, que vous voulez-vous insinuer ?
– Enfin Monsieur 33, vous savez comme moi que âme c’est l’anima en latin c’est-à-dire l’animation.
Dire objets inanimés avez-vous donc une âme ça revient à dire objets inanimés êtes-vous donc animés.
Complètement con !
– Et c’est cette invraisemblance étymologique qui vous rend soucieuse ?
– J’ai perdu un demi-concombre !
– Un demi-concombre ?
– Oui j’ai retourné mon frigo, éventré ma poubelle, passé les placards au peigne fin, regardé sous mon lit, feuilleté mes partitions, impossible de remettre la main dessus.
– Et c’est si grave que ça ?
– Oui, je tenais beaucoup à ce demi-concombre, il me venait de ma grand-mère. Vous savez comme on s’attache aux choses surtout lorsqu’elles sont chargées de souvenirs. On ne devrait pas je sais, on ne devrait pas. Mais que voulez-vous quand on est sentimentale, on est sentimentale…
– J’ai comme l’impression que vous surjouez un peu.
– Monsieur 33, vous avez un cœur de pierre !
Bon, admettons.
Pour être franche, mon souci n’est pas tant la valeur affective de ce demi-concombre, mais s’il n’est pas là, c’est qu’il est ailleurs, et comme je pars demain pour une dizaine de jours, je crains qu’il ne soit légèrement goûteux à mon retour ; sans parler des dégâts collatéraux dans sa cachette.
– Ne vous inquiétez pas, votre grand-mère y veillera !
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ANIMAE DIMIDIUM MEAE
La moitié de mon âme