Au début, bien sûr, ils se succèdent, identiques ; on les collectionne même.
Et puis vient le jour de l’élu.
Pourquoi celui-là ?
Qu’importe puisque c’est lui, question de peau sans doute, de paume plutôt.
Nous voilà dès lors envahis de son nom que l’on décline à l’envi :
Marron d’Inde
Marron Dinde
Marron Dingue
Et, tout absorbés par ces amours automnales, nous distillons des heures complices à l’enlacer de nos mains devenues moites, à l’imprégner de nous, à le cirer, à l’astiquer sur le rêche de la cuisse, à le lustrer de la laine peluchée du bras.
Il est alors à point et l’on peut, tel un diamantaire, éprouver son velours de la joue, glisse câline, itinéraire diagonal du lobe de l’oreille à la pointe du menton, tout en s’appliquant aux pleins et déliés violets entre les lignes Seyes.
Mais voilà, que soudain troublé par le regard flagrant du maître, il nous faut l’empocher prestement, n’en trahissant la présence que de sa saillie sous la toile distendue.
Répit.
Extraction furtive pour le laisser à nouveau musarder sur le front, couler jusqu’à l’arête du nez, le sertir un instant entre les sourcils, taroupe éphémère roulant soudain vers l’œil comme pour s’y enchâsser, globe à globe en échec.
Et le laisser filer jusqu’aux narines, jusqu’à la commissure des lèvres, jusqu’aux lèvres.
L’immobiliser d’un suçon, le gober, le dégober, le gober encore, intrusion hardie, caresse de la langue sur sa base, goût du désordre de ses infimes aspérités. Attaquer en aveugle le glacis de sa face sombre, laisser glisser sa rondeur congrue au palais jusqu’à frissonner soudain de sa périlleuse progression.
Versatile et craintif, le chasser brusquement entre les doigts humides.
Et, gourmand, succomber encore au rutilement de son zeste magnifié par la lumière humide, jusqu’à l’instant funeste où, tel Orphée se retournant vers Eurydice, on y plante les dents, première amertume des amours d’ensuite.
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CAVE NE CADAS
Prends garde à la chute